L’employeur jouit d’un pouvoir de direction qui lui confère certains droits et devoirs. Il peut notamment s’assurer de la productivité de ses salariés en contrôlant leur activité au travail, en présentiel mais aussi en télétravail. Si légalement la surveillance est tolérée, elle est particulièrement encadrée pour éviter l’atteinte au respect de la vie privée et de l’intimité des personnes.
Les enjeux de la surveillance au travail
Surveiller ses salariés dans un cadre légal a plusieurs buts. Cela permet aux employeurs de :
- vérifier que les salariés effectuent bien les tâches demandées ;
- checker que le matériel est utilisé à des fins professionnelles uniquement ;
- contrôler qu’ils respectent le temps de travail ;
- s’assurer qu’ils ne nuisent pas à la sécurité de la structure ;
- lutter contre la fraude ou le vol des biens et du matériel appartenant à l’entreprise.
La surveillance au travail a pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Elle ne doit pas être utilisée pour espionner les employés à leur poste.
Dispositifs et procédés : ce que la loi autorise concrètement
Pour surveiller les salariés, les employeurs disposent de plusieurs recours.
- Outils informatiques
Les nouvelles technologies ont marqué un tournant dans la surveillance de l’activité des salariés. Les employeurs ont le droit de contrôler la navigation internet, en vérifiant l’historique ou les favoris, mais aussi de consulter les mails et fichiers professionnels. Ils peuvent également filtrer certains sites web. Toutefois, il leur est interdit de lire les mails classés comme « personnels ».
- Surveillance du téléphone professionnel
Seul le téléphone professionnel peut être contrôlé. L’employeur a le droit de procéder à des vérifications quant à la durée des appels, l’identité des interlocuteurs et le coût des appels. En cas de suspicion d’abus, il peut demander au salarié de lui fournir des relevés téléphoniques détaillés. Néanmoins, l’employeur a l’interdiction de contrôler les appels passés par les représentants du personnel.
- Vérification des documents de travail
Les fichiers physiques ou informatiques détenus par le salarié sur son lieu de travail peuvent aussi être consultés par son employeur.
- Vidéosurveillance
Des caméras de surveillance peuvent être installées pour des raisons de sécurité. Elles servent notamment à filmer les entrées et sorties des salariés, la caisse, le matériel ou les issues de secours. Elles ne doivent pas filmer le salarié au travail, sauf en cas de manipulation d’argent, par exemple. En aucun cas, elles ne permettent de surveiller la qualité de l’activité professionnelle.
L’employeur est tenu d’informer les employés de l’installation de dispositifs de vidéosurveillance. Des panneaux de signalisation doivent également être mis en place dans les zones concernées.
Respect et transparence : pour les employeurs, deux obligations fondamentales
La surveillance des salariés sur le lieu de travail est un sujet aussi complexe que sensible, qui aborde forcément la question de l’intimité et du respect de la vie personnelle. En droit, c’est l’article 9 du Code civil qui aborde et fixe les règles du respect de la vie privée. Naturellement, ce droit constitutionnel doit aussi être respecté dans le milieu professionnel.
Les employeurs peuvent avoir accès à des informations relevant de la vie privée de leurs salariés, pour des raisons précises et valables uniquement. Cette intrusion dans la sphère intime doit être proportionnée et justifiée par des risques réels pour l’entreprise.
S’ils souhaitent utiliser des dispositifs de surveillance – et uniquement ceux autorisés par la loi et mentionnés ci-dessus –, ils doivent le faire en totale transparence. Dans tous les cas, l’employeur doit informer les salariés sur les dispositifs mis en place et sur la façon dont les données sont traitées.
Par exemple, la vidéosurveillance doit être signalée à l’aide de panneaux installés de manière visible et permanente dans les zones concernées. Les images peuvent être stockées en cas d’incident. Elles le sont généralement pendant moins d’un mois.
La CNIL, garante des droits des salariés
La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) veille au respect de règles éthiques en matière de surveillance au travail. Son rôle est d’encadrer les pratiques, en s’assurant du respect des droits des employés, de protection de leurs données personnelles et de leur vie privée.
La CNIL doit être informée de la mise en place de vidéosurveillance par l’employeur. Ce dernier a également l’obligation d’en informer les employés, mais aussi les représentants du personnel.
Lorsque la surveillance au travail est abusive ou que les dispositifs ne respectent pas les règles fixées par la loi, le salarié peut se référer à l’inspection du travail. Il peut s’adresser à la CNIL par courrier ou sur le service des plaintes en ligne. Il est aussi en droit de saisir le conseil de prud’hommes s’il le souhaite.
Si la structure possède un CSE, celui-ci peut également constater le non-respect du RGPD et en informer la CNIL.
Des sanctions en cas d’atteinte à l’intimité de la vie privée des salariés
En cas de collecte de données illégale ou d’atteinte à la vie privée, l’employeur s’expose à des sanctions pénales. En cas de simple manquement, il peut recevoir un rappel à l’ordre.
La CNIL peut également le condamner à verser des amendes administratives plus ou moins élevées en fonction du contexte et du type d’abus. En cas d’atteinte à l’intimité de la vie privée des salariés, l’employeur risque un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Les dispositifs de surveillance des salariés peuvent constituer une preuve valable pour un licenciement pour faute. Si la surveillance est considérée comme illicite – car abusive, ou si le salarié n’en a pas été informé –, le salarié injustement licencié peut obtenir des indemnités. Il peut notamment toucher des dommages et intérêts en compensation du préjudice subi.
Exemple : le cas d’Amazon France Logistique
32 millions d’euros : c’est le montant de l’amende qu’Amazon France Logistique a dû verser suite à la sanction de la CNIL en décembre 2023. L’entreprise a été poursuivie après avoir mis en place un système de surveillance particulièrement intrusif, jugé illégal.
La question de la surveillance des salariés en télétravail
L’essor du télétravail pose de nouveaux enjeux pour s’assurer de la qualité du travail fourni lorsque les salariés effectuent des tâches à distance. L’article 3 de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2020 précise que les dispositifs de surveillance peuvent également s’appliquer aux salariés en télétravail.
Pour ce faire, l’employeur a le droit :
- de contrôler le travail effectué à distance en fixant des objectifs sur une période précise;
- de demander des comptes rendus ;
- de mettre en place un monitoring des heures de connexion ou des logiciels de suivi ;
En revanche, la CNIL rappelle l’importance de respecter l’intimité du domicile des salariés. La surveillance abusive est à proscrire, notamment à travers certaines pratiques invasives comme le partage d’écran permanent ou la surveillance audio ou vidéo constante.
F.A.Q.
L’employeur peut-il effectuer une fouille des salariés ?
Il a légalement le droit de fouiller un salarié en cas de suspicion de vol ou pour des raisons de sécurité. Il peut effectuer des recherches, lorsque des biens ou du matériel professionnel appartenant à la société ont disparu à plusieurs reprises. Les salariés ont le droit de refuser ou d’exiger la présence d’un témoin. Dans tous les cas, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié. Il doit évidemment veiller au respect de sa dignité et de son intimité.
Un salarié a-t-il le droit de consulter des sites web à des fins personnelles sur son lieu de travail ?
La consultation de sites internet à des fins non professionnelle est tolérée par l’employeur. Elle peut néanmoins être sanctionnée en cas d’excès.
Mon employeur me demande un relevé détaillé de ma ligne de téléphone personnelle. Dois-je le lui fournir ?
Non, l’employeur peut seulement vérifier les appels et messages passés depuis votre ligne professionnelle. Il a donc uniquement le droit de vous demander un relevé détaillé de celle-ci.
Les pointeuses avec biométrie sont-elles autorisées ?
En France, depuis mai 2018, la technologie biométrique est interdite pour assurer le pointage des salariés et contrôler leur temps de travail. Les systèmes à empreinte digitale ou à reconnaissance faciale sont désormais proscrits par la loi française.
L’installation d’une caméra de vidéosurveillance est-elle autorisée en salle de pause ?
Non, il est strictement interdit de filmer les lieux de repos, tout comme les toilettes, les locaux syndicaux ou les salariés installés à leur poste de travail. Pour des raisons de sécurité ou lorsqu’il est question de manipulation d’argent, cela peut être toléré, à condition de ne pas filmer les salariés eux-mêmes. Des aménagements spécifiques du poste de travail peuvent être effectués pour ne pas nuire à la vie privée des employés.
Vous avez besoin d’un expert-comptable ?
Contactez le Cabinet Mosselmans, nous sommes là pour vous aider !